le voyahe des innocents couvJe ne sais pas comment je me suis mis à lire ce livre d'un autre siècle. Il fait sans doute partie de ces défis que je me lance parfois. Une sorte de lecture contrainte au bout de laquelle je mets un point d'honneur à aller, comme pour me prouver à moi-même que j'en suis capable. Une façon de revendiquer mon droit à la difficulté dans ce monde du light et du prémâché. Bref, j'y ai mis le temps mais je suis content. Ce livre de Samuel Langhorne Clemens(1835-1910) publié en 1869, relate le premier grand voyage organisé de l'histoire du tourisme au départ de l'Amérique du nord vers le vieux continent. Et si l'on a conservé ce récit d'un jeune américain cultivé, pétrit de culture religieuse, plein d'humour, sarcastique, c'est que ce jeune homme allait bientôt se faire un nom sous le pseudonyme de Mark twain. C'est un peu long parfois, très XIXème, plein de blabla et de considérations profondément racistes dans le plus pur esprit de l'époque. Mais c'est très intéressant aussi sur la vision d'un américain du XIXème siècle sur le vieux monde, l'Europe, Paris, Venise, les haut lieux religieux, la terre Sainte, l'Egypte...

Je ne résiste pas à l'envie de vous en faire lire un morceau :

"A six heures et demie, nous étions déjà en route, et toute la Syrie semblait être en route elle aussi. C'était une suite ininterrompue de files de mules et de longues processions de chameaux. Cela me rappelle qu'il y a quelques temps que nous essayons d'imaginer à quoi ressemble un chameau. Maintenant nous savons. Quand il est agenouillé, le poitrail par terre, pour recevoir son chargement, il ressemble assez à une oie qui nage, et quand il est debout il ressemble à une autruche avec une paire de pattes en plus. Les chameaux ne sont pas beaux et leur longue lippe leur donne une expression excessivement crapuleuse - excusez ce mot, aucun autre ne convient.

Ils ont pour pieds d'énormes coussins plats et fourchus qui laissent dans la poussière une marque comme une tarte dont on aurait coupé une tranche. Ils ne sont pas difficiles quant à leur nourriture. Ils mangeraient une pierre tombale s'ils pouvaient la mordre."

On se marre franchement assez souvent.

(Le voyage des innocents, un pique-nique dans l'Acien Monde. Relation de voyage de Mark Twain, publié en 1869. Lu dans l'édition de 1982 chez François maspero/La découverte avec une traduction de l'anglais par Fanchita Gonzalez Battle)

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