Blanche-ou-l-oubli.jpgLire est un sport parfois difficile. Je me vois maintenant tel qu'ayant lu ce roman de la maturité de Louis Aragon. Certes quelque peu essoufflé...Non, ce n'est pas le mot. Rompu, moulu, comme roulé dans le ressac inlassable de ses phrases, de ses questions. Je pense avoir bien fait de l'avoir lu en même temps que le livre de Pierre Daix, à lui consacré. Sans cela, je serais certainement passé à côté de beaucoup plus de choses. Il faut dire aussi la vraie chance qui m'a été donnée de rencontrer, lors de notre soirée consacrée à Aragon à la bibliothèque, le peintre Jean-Pierre Jouffroy qui fut un ami d'Aragon pendant les vingt dernières années de sa vie. Tout cela m'a plongé dans un bain d'Aragon. C'était indispensable, je n'en connaissait bien mal que quelques poèmes.

Bref. Parlons de Blanche. Qui est-elle ? Et qui est Marie-Noire, autre personnage du roman ? sont-ce des femmes imaginées par l'auteur, ou les femmes qui imaginent l'hitoire même ? D'ailleurs qui est l'auteur ? qui est ce "je" qui parle, ce "je" invisible que le narrateur ne cesse d'interroger, de perdre et de retrouver? Geoffroy Gaiffier, le mari de Blanche est né le même jour qu'Aragon, le 3 octobre 1897. Tout le long du roman l'auteur ne cesse de mélanger la vie de son personnage et la sienne, au sommet de son art du "mentir-vrai". Il poursuit une sorte de quête d'identité. A travers Blanche il semble qu'il nous parle des femmes qu'il a connues et en particulier d'Elsa Triolet, elle-même citée surtout comme auteur du roman Luna-Park, dans lequel déjà figurait une certaine Blanche Hauteville, aviatrice. Blanche Gaiffier, dans le roman d'Aragon, femme de Geoffroy, prend l'identité de Blanche Hauteville pendant la résistance. Je l'avouais dès le début, j'ai ramé. Aragon a construit un roman avec de multiples glissements, des tiroirs sans fond desquels on tombe de l'un dans l'autre du haut vers le bas et inversement. Sans compter les disgressions, les aller-retours entre les époques, les lieux, les livres nombreux. C'est riche, foisonnant, torturé, errudit, insensé. C'est le plaisir d'écrire à l'état brut, communicatif, monstrueux. Du droit à la difficulté errigé en principe.

 

Livres et auteurs cités dans ce livre :

  • Hyperion (1797-1799), roman de Johann-Christian Friedrich Hölderlin, poète et philosophe allemand (1770-1843)
  • Traité des troppes (1730), traité de rhétorique de César Chesneau Dumarsais, grammairien et philosophe français (1676-1756)
  • Louisa ou les douleurs d'une fille de joie (1830), roman d'Hippolyte-François Régnier-Destourbet (1804-1832)
  • Le cours de linguistique générale (1916), de Ferdinand de Saussure, linguiste suisse (1857-1913)
  • Symbolique et mythologie des peuples anciens, particulièrement des grecs (1810-1812), de Friedrich Creuzer, archéologue et philologue allemand (1771-1858)
  • La guerre est morte (1917), roman de Louis Delluc, réalisateur, scénariste et critique français (1890-1924)
  • Georges Borrow, écrivain anglais, (1803-1881)
  • Franz Bopp, philosophe et linguiste allemand (1791-1867)
  • Léon-Paul Fargue, poète et écrivain français (1876-1947)
  • Jacob Boehme, cordonnier, métaphysicien allemand (1575-1624)
  • Henri Bataille, dramaturge et poète français (1872-1922)
  • Jacques Arnoux, militaire, aviateur, écrivain et essayiste français (1896-1980)
  • Valery Larbaud, écrivain français, (1881-1957)
  • Paul Morand, écrivain français (1888-1976)
  • Ubu roi (1896), pièce de théâtre d'Alfred Jarry, écrivain français (1873-1907)
  • L'éducation Sentimentale (1869), roman de Gustave Flaubert, écrivain français (1821-1880)
  • La princesse de Clèves (1678), roman publié anonymement par Marie-Madeleine de La Fayette.
  • Saint-John Perse, poète et diplomate français (1887-1975)
  • Baruch Spinoza, philosophe néerlandais (1632-1677)
  • Remarques sur l'évolution phonologique du russe, du linguiste russe Roman Ossipovitch Jakobson (1896-1982)
  • Nicolaï Segueïevitch Troubetzkoy, fondateur avec Jakobson du cercle linguistique de Prague (1928). S'est essentiellement attaché aux principes de phonologie. (1890-1938)
  • André Gide, écrivain français (1869-1951)
  • Alfred de Musset, poète et dramaturge français (1810-1857)
  • Arthur Rimbaud, poète français (1854-1891)
  • André Malraux, écrivain et homme politique français (1901-1976)
  • Tristan et Yseut
  • Manon Lescaut, (1753), roman de l'abbé Prévost, romancier français (1697-1763)
  • Le Rouge et le Noir (1830), roman de Stendhal (Henry Beyle), écrivain français (1783-1842)
  • Paul Claudel, écrivain français (1868-1955)

 

Principaux personnages de l'histoire :

Marie-Noire / Lucien Gaiffier (père de Geoffroy) /

Liste des noms cités (Par ordre d'apparition) :

Léon Moussinac / Mata Hari / Berthe Bady / Yvonne de Bray / Paul Deschanel / Alexandre Millerand / Raymond Poincarré / Henri Poincarré / Kees Van Dongen / Thadée Natanson / Sclésinger / Pellerin / Toulouse-Lautrec / Vuillard / Turner / Whistler / Charlemagne / Edouard Pichon / Suzanne Talbot / Rose Descat / Basse-Taille / Mme Alexandre / Alexandre / Mme Mühlfeld / Rosanette (Educ Sentim) / Adamo / Guy Béart / Richard Anthony / Catherine Sauvage / Godard / Viollet-le-Duc / Aznavour / Barbara / Fortugé / Cousin Louis / Stavisky / Maxime / Maryse / Darmesteter / Melle Rachel / Mozart / Hitler / Eisenstein / Frédéric Moreau (Educ sentim) / Deslauriers (Educ Sentim) / Changarnier / Dussardier (Educ Sentim) / Sénécal (Educ sentim) / Mme Arnoux (Educ Sentim) / M. Oudry (Educ Sentim) / Élisa Schlésinger / Gérard-Gailly / Manon (Man Lesc) / Desgrieux (Man Lesc) / Suzette Gontard / Diotima (Hypér) / Bellarmin (Hypér)

Liste des oeuvres citées :

Phryné devant ses juges (tableau)

Les 400 coups (film français de Truffaut)

La femme de nulle part (film français de Delluc)

Guernica (tableau de Picasso)

Les Rapaces (Greed) (1924) (film d'Erich von Stroheim)

Le Cuirassé Potemkine (1925, film de Sergueï Eisenstein)

 

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